DANIEL ROY

Tu me fais de l’effet de serre
Un livre ouvert sur le monde

MA COUR DE CRÉATION

SILENCE AVANT LES MOTS

Daniel entre dans la classe, heureux amalgame de bulldozer et de vulnérabilité. Il entre en scène, le ventre ouvert au vent des mots de mes élèves. Témoin bavard de nos élucubrations, il démystifie la poésie à grands coups d’authenticité et de tendresse.

Car il faut imaginer ce que c’est que d’initier une bande d’enfants de onze ans à la poésie : alors que certains font semblant de vomir à la simple évocation de la chose, d’autres jubilent à l’idée d’enfin pouvoir faire rimer « amour et toujours » sans craindre le ridicule.

Avec ses boîtes, ses carnets, ses pages marquées de rouge à lèvres, Daniel entre et donne. Les enfants, incrédules, me glissent des regards surpris : – c’est ÇA, la poésie ? T’es sûre que ce n’est pas obligé de rimer ? – Les sons chantent, les mots, en se cognant les uns aux autres, se découvrent et trouvent une nouvelle vie. On peut être un homme et avoir mal ? On peut rigoler ferme quand on écrit ? L’alphabet ou le dictionnaire peuvent faire la fête ? On peut biffer des mots, des lettres, les changer de place comme on l’entend ? Écrire serait donc être libre ?

Soyons libres alors. Écrivons. Voici que Daniel demande à entendre. Il s’émerveille. Attention : rien ne sent le froid calcul pédagogique ici. L’émerveillement est réel et senti de tous. « Répète ! Encore ! J’aime ce mot. Écoutez, tous ! Je veux entendre celui-ci de nouveau. » On applaudit. Car ce que l’enfance a de beau, Daniel en vibre et tremble toujours. Il s’en nourrit, comme de tout ce qui fait l’émotion. Je l’ai vu trop de fois s’amouracher des textes de mes élèves pour penser autrement. En classe, autour de cet amour sincère, les mots fusent de toutes parts, se libèrent de leur sens ou le retrouvent.

Le lendemain, je reçois trois courriels. De nouvelles idées, de nouveaux poèmes de Daniel apparus suite à sa rencontre avec les nouveaux poètes. Timide, en lettres toutes minuscules, je réponds : moi aussi… j’écris.

Tu es un fougueux contagieux, Dany Boy. Un pur et dur. Tu viens quand tu veux…!

Chantal Bonneville,
Enseignante de 6e année, école Notre-Dame-du-Rosaire, Sherbrooke